Témoignages
Nina
Nina, jeune nigériane, a 18 ans lorsqu’elle est abordée par une « mama » (une nigériane proxénète) alors qu’elle travaille au marché de Benin-City.
Cette personne lui explique que sa vie serait meilleure en France qu’elle pourrait y étudier pour avoir un avenir meilleur. Elle parvient à gagner la confiance de Nina et de sa mère qui la confie à cette bienfaitrice. Ce n’est qu’à son arrivée à Paris, que la jeune femme découvre les réelles intentions de cette escroc : dès sa première nuit dans la capitale, Nina se retrouve sur les trottoirs du 18e arrondissement, perdue, en pleurs, dans l’incompréhension la plus totale.
Avant son départ du Nigeria, pour assurer son joug sur sa victime et le remboursement de sa dette de passage, la proxénète a entrepris une séance d’envoûtement vaudou. Cette séance, appelée ju-ju, est un moyen de pression psychologique extrêmement puissant, mêlant croyances ancestrales et loyauté familiale, garantissant l’emprise de la « mama » sur la jeune femme.
Son calvaire va durer des années. La violence des clients est quotidienne. Elle en garde encore aujourd’hui des séquelles physiques et psychologiques importantes.
Un jour, malgré les menaces qui pèsent sur elle et sa famille, elle décide de fuir sa souteneuse. Ne parlant pas du tout français, sans papier, seule et livrée à elle-même, pour sa survie elle se retrouve contrainte à continuer de vendre son corps. 5 ans après son arrivée en France, elle se fait interpeller par la police montée du Bois de Boulogne. Epuisée moralement, physiquement elle n’essaye pas alors de les fuir. Comprenant sa situation, les policiers l’encouragent à prendre contact avec notre association. Déterminée à quitter définitivement cet enfer, Nina se rend immédiatement à l’Association. Rapidement, nous réussissons à lui trouver une place en foyer pour jeunes femmes en difficulté. Nous l’inscrivons à des cours de français. Nous l’aidons dans ses démarches administratives et médicales. En situation illégale, nous l’accompagnons faire sa demande de titre de séjour, nécessaire pour trouver un emploi.
La plainte de Nina contre sa proxénète n’a malheureusement jamais pu aboutir faute de pouvoir fournir des éléments concrets sur l’identité de sa souteneuse, les « mamas » agissant toujours sous le couvert d’une fausse identité. Cette dernière n’a jamais donc pu être arrêtée. C’est pourquoi à ce jour, ne pouvant justifier officiellement de son statut de victime sur le territoire français, la demande de titre de séjour de Nina a été refusée.
Cette jeune femme vit aujourd’hui un profond effondrement psychologique suite au traumatisme de son passé : crises d’angoisse, tentatives de suicide, internements en hôpital psychiatrique, mésestime de soi et de ces capacités… Elle parvient difficilement à accorder sa confiance aux autres et à établir des relations sociales. La religion lui permet cependant de s’accrocher et d’essayer d’évacuer son angoisse permanente de mort, issue de l’emprise vaudou.